Flash Talk, « Faut-il interdir la prostitution ?» a Ă©tĂ© enregistrĂ©e le 21 septembre 2018 Ă Breguet-Sabin Ă Paris. Le principe de lâĂ©mission consiste Ă dĂ©battre dâun sujet de sociĂ©tĂ© sur une place publique. La participation citoyenne est lâessence mĂȘme de ce programme. La production bouscule les codes classiques de la tĂ©lĂ©vision en utilisant le rĂ©seau social Twitter comme une extension de lâespace public. LâĂ©mission est enregistrĂ©e environ deux mois avant sa diffusion sur France Ă le samedi 4 novembre 2018 Ă 19h ainsi que le 12 novembre 2018 sur La chaine parlementaire, il est important de noter que Flash Talk fait appel Ă participation avant la date de tournage.
Les participants sont invitĂ©s Ă rĂ©agir via LiveTweet durant les Ă©changes, qui apparaissent alors Ă lâĂ©cran lors de la diffusion, le compte officiel de l’Ă©mission (@Flashtalkoff), retranscrit Ă©galement en temps rĂ©el, les positions des participants au dĂ©bat en citant leurs opinions dans des tweets normalement accompagnĂ©s dâune photo de lâorateur. Ceci permet donc de partager en temps rĂ©el avec sa communautĂ©. On devrait assister Ă lâabolition de la barriĂšre du temps et de lâespace dans le dĂ©bat qui continue par la suite Ă Ă travers les tweets et retweets. En lisant les tweets postĂ©s entre le jour de lâenregistrement et celui de la diffusion, les tops utilisateurs de lâhashtag Falsh Talk sont centrĂ©s sur le compte de lâĂ©mission, les associations prenant part au dĂ©bat (comme le Mouvement du Nid) et le prĂ©sentateur RaphĂ€l Yem. Le principal retweet concerne lâextrait du tĂ©moignage dâHicher Rosen, une ex prostituĂ©e, exclusivement partagĂ© par des femmes et acteurs de la lutte LGBT+. Simple retweet mais sans commentaire associĂ©, comme un soutien donnĂ© au propos du tĂ©moins. NĂ©anmoins, on se rend compte que le dĂ©bat et les retweets ne dĂ©passent pas le cercle fermĂ© de la rĂ©gion parisienne. Le fait que l’Ă©mission soit tournĂ©e sur Paris paraĂźt empĂȘcher les citoyens de province de se sentir lĂ©gitimes Ă participer Ă la discussion. Le dĂ©bat nâest finalement pas rĂ©ellement suivi par la twittosphĂšre. On aurait pu penser que le fait de donner la parole aux citoyens aurait soulevĂ© les foules, mais le fait est que ça nâa pas Ă©tĂ© le cas sur cette Ă©mission.
Pour @hicherrosen, ancienne prostituée « Ce n'est pas la loi qui tue les prostituées, ce sont les clients et les proxénÚtes. » #flashtalk #tournage #prostitution pic.twitter.com/LEQN3K2EU0
— #flashtalk (@flashtalkoff) 21 septembre 2018
On peut imaginer plusieurs raisons Ă lâabsence de ce dĂ©bat sur le rĂ©seau. Tout dâabord, le fait que lâĂ©pisode ne soit pas diffusĂ©e en direct ne permet pas au public de se sentir concernĂ©, peut-ĂȘtre considĂšre-t-il que le dĂ©bat Ă©tant dĂ©jĂ passĂ©, quâil nâest plus utile ou intĂ©ressant de continuer Ă donner son avis car lâaspect immĂ©diat de twitter nâest alors pas respectĂ©. Durant le dĂ©bat, tous les points de vue citoyens sont exprimĂ©s par les diffĂ©rentes parties prenantes. Il y a les personnes militant pour la suppression de la prostitution, avec ceux qui pensent que cela permet de protĂ©ger les personnes et ceux qui pensent que la prostitution nâest pas âconvenableâ pour notre sociĂ©tĂ©. Mais il y a Ă©galement les personnes qui sont contre cette interdiction. Dâun cĂŽtĂ©, nous retrouvons le client qui considĂšre que cette activitĂ© est impossible Ă supprimer et quâelle permet dâĂ©viter une quantitĂ© de viols et Ă©galement quâelle offre la possibilitĂ© Ă tout le monde de vivre sa sexualitĂ© comme il lâentend. Dâun autre cĂŽtĂ©, il y a les prostituĂ©es elles-mĂȘme qui demandent que la lĂ©gislation autour du sujet soit revue, que ce mĂ©tier soit reconnu et quâil soit donc fiscalement lĂ©gitimĂ©. Cet Ă©ventail trĂšs large de points de vue ne donne peut-ĂȘtre pas envie aux spectateurs de prendre part voyant que leur avis a dĂ©jĂ Ă©tĂ© donnĂ©. Il est Ă©galement possible que le dĂ©bat ne soit tout simplement pas ouvert Ă tous de par son sujet. En effet, nombre de personnes ne se sentent pas concernĂ©es par la prostitution.
Lorsque l’Ă©mission est enregistrĂ©e, la production annonce lâhoraire sur Twitter, le lieu et la mise en place du LiveTweet, qui sera ensuite supprimĂ© ce qui ne permet pas encore une fois de participer en toute connaissance de cause suite au tournage. Lâobjet de dĂ©part, d’utiliser Twitter comme une extension du dĂ©bat ne fonctionne pas vraiment. On se rend compte en lisant les tweets au sujet de l’Ă©mission quâils sont presque exclusivement partagĂ©s par le compte de l’Ă©mission lui-mĂȘme. Le rĂ©seau devient non pas une nouvelle agora citoyenne dĂ©coulant d’une arendtienne circulaire du dĂ©bat, mais un espace de promotion de l’Ă©mission pour gagner de l’audience. Si les Ă©motions sont fortes sur le lieu du tournage, les rĂ©actions dans le monde virtuel lors de la diffusion restent placides et contemplatives. Selon Virginie Julliard, lâutilisation de hashtag (#FlashTalk) invite les utilisateurs Ă suivre celui-ci sur twitter afin dâintensifier le dĂ©bat, l’utilisation du hashtag #flashtalk permet dâavoir sous les yeux suite Ă une seule recherche, toutes les diffĂ©rentes positions autour du dĂ©bat.
Finalement, lâidĂ©e de dĂ©part de lâĂ©mission de faire participer tout le monde montre lâindividualisme latent au sein de twitter, les avis se suivent mais ne se rĂ©pondent pas. Câest une Ă©mission marquĂ©e de contradictions, entre l’envie de partage citoyen, le pouvoir de libertĂ© de parole et lâaction silencieuse des spectateurs et de leur retweet.
Sources :
- Virginie Julliard, « #Theoriedugenre : comment débat-on du genre sur Twitter ? », Questions de communication, 30 | 2016, 135-157.
- Arendt Hannah, La condition de lâhomme moderne, Agora, 1958
Bonjour,
Tout dâabord, merci pour cet article fascinant.
Il semblerait que si Flashtalk dĂ©sire toucher davantage de personnes il serait souhaitable que lâĂ©mission soit effectivement diffusĂ©e en live afin que les spectateurs puissent rĂ©agir instantanĂ©ment et non a posteriori de lâĂ©mission, ce qui semble beaucoup moins impactant. Effectivement, tout lâenjeu de Twitter repose dans lâinstantanĂ©itĂ© mais Ă©galement dans lâactualitĂ© chaude. Si lâon prend pour exemple le talk show Touche pas Ă mon poste, on ne peut que constater que lâutilisation des live tweets lors de celui-ci est une franche rĂ©ussite ayant toujours un taux dâengagement signifiant sur le rĂ©seau social.
Pour continuer, il me semble quâil serait plus judicieux de revoir la maniĂšre dont sont Ă©laborĂ©s les sujets de lâĂ©mission qui, bien que sâinscrivant pleinement dans lâair du temps, restent Ă mon goĂ»t toujours trop vagues. « Faut-il interdire la prostitution ? » est une interrogation vieille comme le monde, vue et revue. Elle nâen est pas pour autant inintĂ©ressante, soyons dâaccord. Mais permettez-moi de penser que ce sujet a Ă©tĂ© traitĂ© sous cet angle Ă de multiples reprises. Câest pourquoi je conseillerai Ă lâĂ©mission de sâintĂ©resser davantage Ă des sujets dâactualitĂ© dits « chauds » et surtout plus dĂ©limitĂ©s pour lesquels les personnes auraient davantage tendance Ă se sentir concernĂ©es. Par exemple, si Flashtalk avait pour projet de faire une Ă©mission dĂ©diĂ©e aux violences conjugales, cela ferait davantage avancer le dĂ©bat que de faire rĂ©agir les spectateurs au rĂ©cent happening de Mariesinfiltre Ă la manifestation Noustoutes ayant suscitĂ© polĂ©mique en crĂ©ant lâalerte. âšDe plus, pour rĂ©pondre Ă votre problĂ©matique concernant le cloisonnement de lâĂ©mission Ă Paris, il me semble que si Flashtalk traitait effectivement de sujets dits « chauds », lâĂ©mission pourrait alors se dĂ©placer dans diffĂ©rentes rĂ©gions dans lesquelles auraient eu lieu des Ă©vĂ©nements en lien avec les sujets choisis. Pour en revenir au dĂ©bat sur la prostitution, imaginons quâun travailleur ou une travailleuse du sexe ait Ă©tĂ© agressĂ© durant lâexercice de ses fonctions dans la ville de Nantes, il semblerait pertinent et bien plus impactant que lâĂ©quipe de tournage aille rĂ©aliser lâĂ©mission dans cette rĂ©gion. Nous observerions certainement plus de rĂ©actions instantanĂ©es, plus de mobilisation et il serait tout simplement intĂ©ressant de dĂ©centraliser ces dĂ©bats ayant toujours lieu dans la capital et sâadressant ainsi Ă un certain type de public. Cela peut paraitre excluant, a fortiori pour une Ă©mission ayant comme objectif de donner la parole Ă toutes et Ă tous.
Pour en revenir Ă lâutilisation de lâoutil Twitter, je trouve cela bien dommage quâil ne soit pas totalement exploitĂ©. Quâen est-il des sondages Twitter par exemple ? Il sâagit tout de mĂȘme dâun outil intĂ©ressant, notamment dans un dĂ©bat « pour ou contre ». Flashtalk prolonge le dĂ©bat de lâĂ©mission sur Twitter mais nâa pas lâair de lâalimenter. Il en est de mĂȘme pour les tweets postĂ©s par le compte de lâĂ©mission qui ne font que relater les propos Ă©mis lors de lâĂ©mission de maniĂšre trĂšs factuelle, sans avoir nullement lâair dâessayer dâinterpeler les spectateurs. Est-il rĂ©ellement judicieux de ne sâen tenir quâau #flashtalk ? Ne serait-il tout de mĂȘme pas intĂ©ressant dâutiliser dâautres hashtags renvoyant aux autres topics afin que dâautres utilisateurs de Twitter puissent participer au dĂ©bat, mĂȘme sâils nâont pas suivi lâĂ©mission ? âšPour finir, je dois dire que je trouve un peu confus le fait que lâĂ©mission diffuse deux sujets diffĂ©rents le mĂȘme jour, et ce bien Ă©videmment accompagnĂ©s dâun seul est unique hashtag : #Flashtalk. Effectivement, si lâon souhaite se renseigner sur ce qui a Ă©tĂ© dit sur un sujet prĂ©cis, nous sommes obligĂ©s de faire le tri nous-mĂȘmes dans la mesure oĂč lâĂ©mission se contente du #flashtalk, comme dit prĂ©cĂ©demment. Il me semble que cela a tendance Ă perdre les followers de lâĂ©mission souhaitant participer au dĂ©bat.